Le talonnage, lorsque la coque, la quille ou la transmission du bateau heurte le fond, est une cause de sinistre relativement courante en navigation de plaisance. Selon divers critères tels que la nature du fond, la vitesse du bateau au moment du heurt, le type de transmission et le matériau de construction du bateau, les dommages résultant d’un talonnage ou d’un échouement peuvent être pratiquement insignifiants dans certains cas. Dans d’autres circonstances, les dégâts peuvent être très importants et entraîner des réparations coûteuses. D’importantes voies d’eau peuvent même engendrer un naufrage et la perte du bateau. Sans entrer dans les détails techniques complexes, nous pouvons analyser de manière globale et simplifiée, les différents cas de figure d’un talonnage ou d’un échouement et leurs conséquences à bord des bateaux à moteur de modèles courants.
D’abord, la nature du fond. Si celui-ci est constitué de sable ou de vase, l’impact sera relativement progressif et par conséquent moins violent car la vase va d’abord « freiner » le bateau lors du contact et amortir quelque peu le choc avec le fond. Si la vitesse du bateau n’est pas très importante, les dégâts occasionnés par un échouement dans la vase ou le sable seront mineurs. Cela ne veut pas dire que l’on pourra se passer d’une mise au sec pour un contrôle de la coque et d’une inspection de la mécanique. Il faudra contrôler le circuit de refroidissement du ou des moteurs car la vase, les graviers et les petites algues qui auraient été pompés par les crépines de coque ou d’embase pourraient colmater partiellement le circuit de refroidissement. Le sable peut endommager les pompes à eau et celles-ci devront être contrôlées. Il faudra également nettoyer le circuit et les filtres à eau de mer. Si lors de l’échouement, le poids de la coque a porté sur les transmissions, que ce soit des embases, des modules de propulsion orientables ou des lignes d’arbre, il faudra impérativement contrôler si la mécanique et la structure de la coque n’ont pas souffert de contraintes excessives.
Sur un fond constitué de roches, c’est une autre histoire. Avec une coque en polyester, les dommages engendrés peuvent se classer en deux catégories.
Si la vitesse du bateau est très faible au moment du talonnage et que la coque n’a pas été martelée par les roches sous l’effet de la houle qui fait monter et descendre le bateau, les dégâts seront en général assez modérés. Le gelcoat présentera des éclats et des éraflures et la stratification en résine et fibre de verre située sous le gelcoat pourra être endommagée dans sa partie externe. Lors des réparations, il s’agira d’assainir les zones où le composite est délaminé par un délicat meulage, de restratifier les zones endommagées et bien entendu d’effectuer des reprises de gelcoat car c’est lui qui assure non seulement la finition mais surtout l’étanchéité du composite.
Si la vitesse du bateau est élevée au moment du talonnage ou que la coque a été martelée par les roches sous l’effet de la houle, les avaries structurelles peuvent être sérieuses et ne doivent pas être prises à la légère. Les coûts de réparation peuvent alors s’avérer élevés. Un talonnage violent peut engendrer des délaminages profonds du stratifié, la rupture ou l’arrachement des varangues ou la rupture des cloisons internes. Dans certains cas, la coque peut être brisée ou fissurée dans l’intégralité de son épaisseur et cela peut engendrer d’importantes voies d’eau. Il faudra alors prendre des mesures urgentes appelées mesures conservatoires pour mettre immédiatement le bateau au sec afin d’éviter un envahissement trop important et un naufrage.
Concernant les transmissions par embase et les motorisations hors-bord, les dommages peuvent être modérés si le talonnage est léger et dans certains cas, seules les hélices et la partie inférieure des embases seront endommagées. Si les hélices sont en aluminium, c’est un matériau tendre et les organes internes de la transmission pourront être épargnés. Dans le cas d’hélices en inox ou en alliage de bronze de bonne qualité, il faudra contrôler si les organes mécaniques internes ne sont pas endommagés et si les arbres ne sont pas faussés. Les transmissions de type IPS ou Zeus réalisées en bronze demanderont une attention toute particulière car montées sous la coque, elles sont vulnérables et très exposées. Par ailleurs, les modules de propulsion orientables sont gérés par une mécanique et une électronique sophistiquées. Les transmissions en ligne d’arbre sont parfois mieux protégées car elles sont généralement installées dans des tunnels sous la coque de manière à améliorer le rendement des moteurs et ce type de montage diminue par conséquent le tirant d’eau. Les safrans sont par contre relativement exposés et pourront eux aussi subir des avaries.
Dans le cas d’un talonnage violent ou à haute vitesse sur des roches, les transmissions par embases et par modules orientables peuvent subir d’importantes avaries et des voies d’eau peuvent être engendrées par la rupture d’organes mécaniques assurant l’étanchéité entre la coque et les transmissions. Dans ce cas, il faudra également prendre des mesures urgentes pour mettre immédiatement le bateau au sec afin d’éviter un naufrage. Par ailleurs, un impact violent ou des contraintes excessives sur les transmissions peuvent parfois engendrer des dommages au tableau arrière ou à la coque dans la zone de fixation des transmissions. Sur les montages en ligne d’arbre, les arbres d’hélices et les chaises d’arbres peuvent être faussés et dans les cas extrêmes, la structure de la coque peut être délaminée ou éventrée au niveau de la fixation des chaises d’arbres qui, lors de l’impact sur des roches, agissent comme un bélier sur cette partie de la carène.
Enfin, il est naturel que selon le matériau de construction employé, un talonnage n’engendrera pas le même type d’avaries sur une coque métallique que sur une coque en polyester. Par exemple, les coques en acier des bateaux de croisière fluviale que l’on rencontre souvent aux Pays-Bas supporteront mieux un talonnage sur des roches pour autant que la coque soit bien construite et les soudures bien réalisées. L’acier commencera par se déformer au lieu de se rompre ce qui diminue bien entendu les risques de voies d’eau. Par ailleurs, les transmissions en ligne d’arbre de ce type de bateau sont souvent bien protégées par une quille assez profonde et parfois même par des tuyères.
Personne n’est à l’abri d’un talonnage ou d’un échouement. Néanmoins, quelques précautions peuvent être prises afin de réduire ce type de risque : assurer une veille permanente lorsque l’on est à la barre, bien connaître le plan d’eau, connaître en permanence sa position, adapter sa vitesse aux conditions de navigation, consulter les cartes marines, équiper le bateau d’un sondeur performant et de pompes d’assèchement de bonne qualité et d’un débit adéquat et surtout, naviguer avec un bateau en bon état.